Je suis toujours étonnée du peu d'informations dont nous disposons sur les aliments que nous retrouvons sur nos étals et dans nos assiettes.
Prenons la banane par exemple.
Aliment énergétique par excellence, nous avons pris l'habitude d'en consommer, notamment nos enfants pour qui elle constitue un bon goûter, alternatif aux biscuits industriels.
Facile à trouver dans nos magasins, elle nous arrive des Antilles, où elle est produite et exportée depuis les années d'après guerre. La filière de production y est soutenue par les pouvoirs publics et est devenue au fil des années une activité fortement subventionnée. C'est le prix à payer pour conserver un tissu économique et social dans ces îles.
Malheureusement il y a un petit problème dont on ne parle pas ou si peu : le modèle d’agriculture développé depuis les années 50 est celui d'une agriculture productiviste, intensive, gourmande en produits phytosanitaires issus de l’industrie chimique. La banane est un produit fragile à cultiver et victime de nombreux ravageurs, d’où l’utilisation intensive de traitements phytosanitaires appliqués au sol ou par largage aérien. Elle nécessite en moyenne 5 à 6 traitements par an. C’est une culture pratiquée essentiellement sans rotation. Du coup, les sols sont intensément pollués par plusieurs polluants qui ont été utilisés successivement dans le temps.
Les deux produits emblématiques de la pollution environnementale qui sévit en Guadeloupe et Martinique sont le chlordécone (appellations commerciales Képone et Curlone) et le paraquat.
Le chlordécone
C’est un insecticide organochloré de la même famille que le DDT et le lindane, qui a été utilisé jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. En 1976, la fabrication du chlordécone est interdite aux États-Unis, du fait de sa dangerosité tant au niveau humain qu’environnemental ... mais paradoxalement les autorisations de vente et d’utilisation de ce produit seront renouvelées aux Antilles entre 1981 et 1993, et ce, malgré le degré de toxicité et le caractère de persistance désormais connus du produit. Pour la population, il y a risque majeur de contact par voie alimentaire ; pour les travailleurs des bananeraies, il faut ajouter les expositions par voie aérienne et cutanée (produits manipulés sans réelle protection, et surtout largages de traitements par avion alors que les ouvriers travaillent sur les plantations !).
Le paraquat
C'est un herbicide non sélectif à action rapide, commercialisé en 1961. Rémanent, persistant et toxique (notamment pour les organismes aquatiques), il a été très employé du fait de son faible coût et de sa facilité d'utilisation.Considéré comme neurotoxique, il est encore plus toxique de le Chlordécone. Il dispose d'une très grande toxicité aiguë par ingestion et provoque des atteintes digestives, rénales et pulmonaires, mais surtout il y aurait un lien possible entre paraquat et maladie de Parkinson. Sa toxicité est connue depuis 2003 et pour cette raison, la Suède avait demandé qu'il soit interdit en 2004. Sur demande de la France, l'autorisation de vente et d'utilisation du paraquat a été maintenue jusqu'en juillet 2007.
Le rapport d'un médecin cancérologue, le docteur Belpomme (ça ne s'invente pas !) mettra en lumière les dangers encourus par la population :
"Un désastre économique et sanitaire pour les futures générations antillaises", c’est ce que prévoit Dominique Belpomme, cancérologue à l’hôpital Georges Pompidou à Paris. Dans son rapport, présenté le 18 septembre 2007 à l’Assemblée nationale, le professeur donne l’alerte sur les conséquences de l’utilisation massive du chlordécone et du paraquat. Il affirme notamment que les cas de cancers aux Antilles, plus nombreux qu’en métropole, sont en partie dus à la pollution des sols et des eaux par de nombreux pesticides. Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, a reconnu, à la suite de ces révélations, que « la situation est très grave ».
Est ce que depuis, des mesures concrètes de protection des populations locales et de l’écosystème des îles ont été prises ? Je ne le crois pas et en préparant cet article, j'ai lu sur le net l'inquiétude persistante de certains, voyageurs ou résidants. Je les comprends.
Moi, depuis que j'ai appris tout cela, je ne mange plus que des bananes bio ...
Un dossier complet sur le site :